La mémoire des dauphins

Les dauphins sont capables de reconnaître un congénère après vingt ans de séparation, selon une étude publiée mercredi 7 août, qui attribue à ce mammifère marin la plus longue mémoire sociale jamais enregistrée chez un animal. Les éléphants ont bien la réputation de ne jamais oublier un des leurs, mais elle repose à ce jour uniquement sur “des preuves anecdotiques”, souligne l’auteur de l’étude, Jason Bruck, de l’université de Chicago.

Ces travaux portent sur la reconnaissance à long terme par les dauphins de leur signature personnelle, un sifflement caractéristique qui fait en quelque sorte office de nom et qui rend chaque individu immédiatement identifiable par ses semblables. Le biologiste a cherché à savoir si le dauphin gardait en mémoire la signature d’un congénère dont il est séparé de longue date.

“PARFOIS ILS TOURNENT AUTOUR, ESSAIENT D’OBTENIR UNE RÉPONSE”

Son étude a porté sur 43 dauphins hébergés dans 6 parcs zoologiques ou aquatiques différents, dont le zoo de Brookfield, près de Chicago. Ces six structures ont la particularité d’avoir échangé des animaux entre eux, tout en gardant la trace précise de leur histoire.

L’expérience a ensuite consisté à faire entendre aux dauphins l’enregistrement de sifflements de leurs congénères. Elle a montré qu’ils réagissaient davantage à l’écoute de sifflements familiers, c’est-à-dire ceux de dauphins avec lesquels ils avaient été en contact, même des années auparavant.

“Lorsqu’ils entendent un dauphin qu’ils connaissent, ils s’approchent souvent rapidement du haut-parleur, a expliqué Jason Bruck. Parfois ils tournent autour, sifflent, essaient d’obtenir une réponse.”

Il cite le cas d’Allie et Bailey, âgées respectivement de 2 et 4 ans lorsqu’elles ont vécu ensemble au Dolphin Connection, dans l’archipel des Keys, protection des dauphins en Floride. Allie vit aujourd’hui au zoo de Brookfield et Bailey au Dolphin Quest aux Bermudes. Vingt ans et six mois après leur dernier contact, Bailey reconnaît toujours l’enregistrement d’Allie.

Selon le chercheur, dont les résultats sont publiés dans la revue Proceedings B de la Royal Society britannique, le dauphin montre un niveau de reconnaissance “très comparable à la mémoire sociale de l’homme”. Ce type de reconnaissance peut même être plus durable chez le dauphin que chez l’homme, souligne-t-il, car le sifflement du dauphin reste stable sur plusieurs décennies, alors qu’un visage humain change au fil du temps